Sur
l’intercommunalité de la Vallée de la Roya
et la démocratie locale dans les Alpes Maritimes
et la démocratie locale dans les Alpes Maritimes
par Paul SILICI, maire de Saorge
Île entre montagne et
Italie, la Vallée de la Roya a rêvé, non pas d’indépendance,
mais d’une gestion proche et adaptée à sa situation géographique
particulière : Pour rejoindre les villes du littoral français,
il faut soit passer par un pays étranger (l’Italie) par une route
assez souvent coupée par des éboulements, soit emprunter une route
de montagne (un col à 1000m, un autre à 800m) enneigée l’hiver,
et un temps de parcours majoré de 50%. Deux syndicats
intercommunaux efficaces ont fait fonctionner une intercommunalité
de fait qui a encouragé, dans un premier temps, tous les
maires de la Vallée à se rassembler pour créer une Communauté de
Commune de la Roya.
Les statuts étaient prêts, l’arrêté de périmètre autorisant cette création avait été pris par le préfet, quand deux communes ont fait capoter ce projet né d'une réelle expérience de gestion de proximité et donnant satisfaction à tous les habitants.
Les statuts étaient prêts, l’arrêté de périmètre autorisant cette création avait été pris par le préfet, quand deux communes ont fait capoter ce projet né d'une réelle expérience de gestion de proximité et donnant satisfaction à tous les habitants.
Rien, même pas une
consultation populaire n’y a fait.
Le préfet de l’époque
a préféré suivre la logique départementale dominante d’absorption
de la Roya par la Communauté d’Agglomération de la Riviera
Française (CARF). Or la CARF a émis le souhait de rejoindre la
Métropole Nice Côte d’Azur. Cela est très inquiétant vu
l’emprise massive d’une métropole sur les communes membres. Ce
serait particulièrement le cas dans notre situation où les centres
de décision seraient très éloignés : comment gérer depuis Nice
les routes verglacées, les éboulements, les transports scolaires ?
Sur ce dernier point, il semble déjà que la CARF impose des délais
considérables pour l’organisation de ces transports, ce qui rend
difficile la gestion de sorties scolaires, qui devront désormais
être prévues à long terme, et non dans la spontanéité, comme il
sied à ce genre de chose.
Ainsi, une oligarchie
formée d’élus cumulards dont la politique est devenue l’unique
métier, s’il n’en a pas été vraiment le seul, a voulu imposer
sa loi à des élus de terrain et à des populations qui ont
clairement manifesté leur choix. Il s’agit du maire de Menton,
député, vice président de la CARF, du maire de Roquebrune Cap
Martin, vice président du Conseil Général, président de la CARF,
du président du Conseil Général, député, de l'épouse du maire
de Menton, sénateur, conseillère général de Menton et
vice-présidente du Conseil Général, qui ont refusé d’entendre
le maire de Breil sur Roya et le vice-président du Conseil Général
conseiller général du Canton de Breil sur Roya, pourtant tous deux
dans la majorité départementale… mais élus de terrain et proches
de leurs administrés !
La Commission
Départementale de Coopération Intercommunale, a, semble-t-il obéi
aux ordres de ces hauts personnages : le dernier projet de schéma de
coopération intercommunale avait finalement prévu une Communauté
de Communes de la Roya. Il a été rejeté par la CDCI à l’occasion
d’un vote contraint. En effet, malgré des demandes légitimes (y
compris du Conseiller Général de Breil sur Roya) de vote à
bulletin secret, celui-ci a été refusé (il fallait qu’un tiers
de membres l’approuve…), et le vote s’est fait à main levée,
devant le président du Conseil Général, lequel tient les cordons
de la bourse départementale, et distribue les postes, et le maire de
Nice, Empereur de sa métropole. Cela après avoir entendu de doctes
messages comme celui du député-maire de Menton.
Quelles leçons tirer
d'un tel mépris pour la démocratie locale, quels espoirs peut-on
former pour l'avenir dans ce département ?
Jusqu'à preuve du
contraire, j'ai la conviction que la caste au pouvoir dans les Alpes
Maritimes ne veut rien abandonner de sa mainmise sur ce département,
particulièrement sous une majorité nationale qui le contrarie. On
pratique sans difficulté le tutoiement et même un certain copinage
avec des élus de "l'autre bord", on les invite aux
somptueuses réceptions mentonnaises, mais on refuse sèchement de
répondre à une simple et honnête demande d'explication, comme
s’ils étaient de petits garçons...
Qu'a-t-on à cacher de si
précieux, que veut-on protéger dont pourrait s'emparer une minorité
mal léchée, qui a bien du mal à faire entendre sa modeste voix ?
Le seul espoir, selon
moi, de sortir de ce genre de comportement excluant toute voix
dissonante consiste en une application aussi rapide que possible de
l'interdiction de cumul de mandats, et, pourquoi pas en allant
jusqu'à une limitation du nombre de mandats successifs. Une
telle limitation fonctionne parfaitement bien chez nos voisins
italiens : un maire transalpin n'a le droit d'exercer que deux
mandats consécutifs... Et par parenthèse, ce dispositif dédramatise
considérablement la question de la prolongation de la vie politique
locale... J'en sais quelque chose à huit mois de la fin de mon
mandat !
Cela aurait surtout pour
effet de casser les longues carrières politiques qu’affectionnent
certains élus, nababs de la République encore plus que
professionnels de la politique. Le Peuple a besoin de
s'exprimer, il a besoin d'un renouvellement aujourd'hui bloqué par
ces carrières interminables et tentaculaires.
Pour conclure, et
peut-être pour dégager une des causes profondes des malheurs de la
démocratie locale et plus particulièrement de la Vallée de la
Roya, on peut évoquer la conséquence de l'extrême longévité de
certains élus locaux, (qui deviennent des potentats, exerçant leur
influence dans des domaines très divers), sur la "valse des
préfets", et sur le renouvellement parfois surprenant des hauts
fonctionnaires du département, lesquels ont au contraire une durée
de vie très limitée dans les Alpes Maritimes (jusqu'à, récemment,
moins d'un an et demi pour un préfet parti très précipitamment).
On peut ainsi
légitimement s'interroger sur les importances relatives au niveau
local du représentant de l'État et de l'oligarchie indigène... Ce
n'est certes pas au préfet de désigner les élus locaux, mais ce
n'est pas non plus à ceux-ci de faire "sauter" un préfet
qui ne leur conviendrait pas. Cet état de fait peut gravement
perturber l'équilibre des pouvoirs local et central. De ce fait, on
peut craindre que les minorités locales n'aient pas la garantie
d'une protection et d'une écoute républicaines qu'elles peuvent
exiger. Bien au contraire, une possible collusion entre le pouvoir
politique local et le préfet pourrait donner un habillage légal et
républicain à de petits arrangements entre amis faisant fi de la
demande populaire...
Un tel schéma serait-il
à l'origine de notre chagrin ?
Paul SILICI